Paul-Émile Doré, le fondateur

Paul-Émile Doré est issu du milieu rural. Dès son jeune âge, les problèmes sociaux et économiques retiennent son attention. Vers 1938-39, les Cercles de l'Union catholique des cultivateurs (UCC) et La Terre de chez-nous, offrent des cours à domicile que les ruraux étudient en équipe. On le retrouve à quinze ans secrétaire d'une équipe que l'on définira dans le futur, comme des « coopératives d'idées ». C'est une expérience qu'il aura l'occasion de vivre à plusieurs reprises.

Ces équipes sont un lieu de discussions et d'échanges d'idées. Les thèmes sont suggérés par La Terre de chez-nous, la Confédération de l'UCC et ou par les gens du milieu selon leurs besoins. Cette forme d'éducation populaire a précédé et accompagné la naissance et le développement du syndicalisme et de la coopération en milieu rural.

Pendant ses études secondaires, Paul-Émile discute d'orientation avec ses confrères. Il consulte alors le prospectus de l'École Normale Jacques-Cartier et celui de l'École de Commerce de l'Université Laval. A l'automne 1943, il se dirige plutôt vers l'École Moyenne d'Agriculture de Chicoutimi. Une orientation se dessine-t-elle ? Il est trop tôt pour le dire. Au cours de ces années de formation il s'initie également à la gestion en assumant la gérance de la coopérative étudiante de l'École, l'Idéale.

Un intérêt indéfectible pour l'agriculture et le monde rural

Paul-Émile Doré manifeste alors beaucoup d'intérêt pour l'agriculture, particulièrement pour certaines spécialités dont l'apiculture, production que l'on retrouve dans sa famille sur la ferme de son père, alors qu'il est jeune, et aussi chez son oncle Vincent Doré propriétaire d'un rucher, « L'excellent miel doré ».

En 1943 et 1944, au cours de l'été, il assume même la surveillance du rucher et fait la récolte du miel au début de l'automne, l'oncle étant requis dans la région de Montréal par le ministère de l'Agriculture. Il y avait de la maladie dans les ruchers de cette région, ce qui explique le recours à des apiculteurs d'expérience. Le miel, en ce temps de guerre, est considéré comme produit stratégique et réquisitionné. Il fallait s'assurer de bonnes récoltes.

Paul-Émile Doré, apiculteur vers 1944

En 1944, il débute l'organisation d'un rucher. Dès la première année, il compte une dizaine de colonies qui seront localisées sur la ferme Bergeron située dans le village de Métabetchouan. Mais ce projet sera mis en veilleuse : Paul-Émile s'est engagé, en 1945, à rembourser le comptant d'une ferme acquise par son père et des fonds additionnels sont nécessaires à la réalisation de ses propres projets.

À l'automne 1945, il entre donc à l'emploi d'une compagnie forestière. Au cours de l'hiver 1945-46, dans le cadre des ses fonctions, il couvre trois opérations forestières dans le secteur du lac des Écorces et au printemps 1946 c'est une responsabilité concernant la drave du « creek » Hubert. Au cours de l'hiver 1946-47, les opérations sont différentes, mais la fonction est la même.

Son poste lui permet de rencontrer beaucoup de jeunes ruraux qui travaillent sur la ferme l'été et l'hiver en forêt. Les entreprises forestières embauchent alors annuellement au Saguenay-Lac-Saint-Jean, pour les saisons de la coupe du bois et de la drave, environ 10 000 travailleurs. Les conditions de vie et de travail sont difficiles et ardues principalement pour les bûcherons et les draveurs. En faire une description scandaliserait la génération d'aujourd'hui.

C'est un premier contact avec le marché du travail. C'est rude mais il y a des aspects positifs. Les bûcherons s'ennuient le dimanche, Paul-Émile songe à la lecture. Dès le premier hiver il met sur pied une bibliothèque roulante avec la collaboration d'une bibliothèque paroissiale de sa région.

Le travail, et la vie en forêt, ne lui conviennent pas même s'il y trouve des avantages financiers et des plaisirs que seule la grande nature procure. Pensons aux nombreux lacs et rivières, riches en poissons, à la faune nombreuse et variée, à la flore, aux saisons, etc. L'interrogation n'est pas là. Peut-on penser avoir une famille en étant loin de son foyer? Des compagnons de travail, chef de famille, visitent leur famille une fois par mois et cela depuis des années. A 23 ans, c'est une question qui se pose. Ses objectifs à court terme sont atteints et ses rêves refont surface. Il quitte la compagnie forestière en octobre 1947.

 

Camp forestier vers 1945-46

La rencontre de Marthe

Expérience enrichissante, sans doute, mais il revient à ses projets. C'est un retour dans sa paroisse à titre d'assistant au gérant de la coopérative agricole. Il s'implique alors dans les mouvements de jeunesse et autres organismes locaux. C'est dans l'un d'eux, la Jeunesse agricole catholique (JAC), qu'il fait la connaissance de sa future épouse, Marthe Gagnon, institutrice, fille de Napoléon Gagnon et de Julianna Villeneuve. Elle était présidente de la JACF paroissial.

Marthe et Paul en voyage de noces, juillet 1949, Saint-Jean de l'île d'Orléans

Dans la paroisse, il est intéressé par l'agriculture mais aussi par les organismes du milieu, alors qu'il est appelé à y jouer un rôle actif. Il a déjà un poste à la coopérative agricole; il sera aussi secrétaire du cercle de l'UCC, secrétaire-trésorier d'un syndicat de patrons (fromagerie), secrétaire-trésorier de La Mutuelle Incendie de la paroisse, membre de la Caisse Populaire, animateur d'équipes, etc.

Son engagement paroissial retient-il l'attention des dirigeants régionaux (ou diocésains) de l'UCC (région à l'époque qui incluait Charlevoix)? On tente de l'attirer au plan régional en faisant valoir l'importance du rôle, ce avec quoi il est bien d'accord. Il sera quand même difficile à convaincre. Ses rêves en agriculture, et autres, sont toujours bien vivants. Et ce qu'on lui propose n'en fait pas partie. On fera même intervenir un aumônier diocésain; finalement il acceptera pour une période de deux ans, au grand dam du curé de sa paroisse, qui s'oppose vertement à sa décision.

Mariage et profession: des engagements qui vont durer

En janvier 1949, il entre à La Fédération de l'UCC du Saguenay. Ce ne sera pas le seul événement marquant de l'année : suite à leurs fiançailles à Noël 1948, Marthe et Paul-Émile unissent leurs destinées le 6 juillet 1949. Débute alors une carrière qui durera une quarantaine d'années et un mariage qui prendra fin par le décès de Marthe en 1999, après cinquante années de vie commune et la naissance de 10 enfants.

Disons-le immédiatement, Marthe et Paul-Émile connaissent une vie familiale intense, chaleureuse, affectueuse, stimulante, pleine de projets, mais exigeante. La société québécoise connaît des grands changements, particulièrement en éducation: rapport de la Commission Parent, création du ministère de l'Éducation, Opération 55, fondation des cégeps et des polyvalentes, contestations étudiantes, modifications aux programmes d'études, regroupement des commissions scolaires, etc.

Pour revenir aux projets de la fin des années 40, pas question de les abandonner. Même, d'autres opportunités du genre se présentent à lui. Mais ce n'est pas encore « Adieu veau, vache, cochon, couvée et abeilles » pour paraphraser Lafontaine. Son acceptation, pour lui, constitue un engagement limité dans le temps, avec possibilité de retour à la case départ. Au début de la vingtaine, on peut consacrer quelques années à une activité sociale que l'on croît nécessaire. Et ce que l'on propose à l'UCC ressemble beaucoup plus a du « missionnariat » qu'a un emploi d'avenir.

Le temps passe vite. Déjà trois années se sont écoulées : il lui faut prendre une décision, il quitte ou il reste. Une analyse s'impose : il est en contact régulièrement avec le milieu dont il est issu et qu'il aime, il s'est familiarisé avec le territoire régional, son travail lui plaît et l'équipe l'intéresse. Le test de la balance: d'un coté, ses rêves qui sont toujours présents et de l'autre une réalité qui fait le poids. Un cheminement s'est fait depuis janvier 1949. Il fera carrière, avec beaucoup d'intérêt et de passion, dans le domaine de l'organisation professionnelle agricole et du milieu rural, choix qui répond à beaucoup de ses idéaux.

Toutefois il restera toujours fasciné par l'abeille, ses produits et leurs dérivés. Lors d'un voyage en France en 1967, il visitera La maison du miel, sise sur la rue Vignon, à Paris, (tout près de la Madeleine) où l'on offrait 200 produits et dérivés de la ruche, et où on était en relation avec des apiculteurs de toute la France et de pays étrangers. C'est merveilleux, dira-t-il! En voyageant il arrête là où est annoncé du miel. Il en achète parfois, surtout, il jase avec les responsables.

Première conséquence de sa décision, déménager sa famille à Chicoutimi à la fin de l'été 1953. Il demeurait encore à Métabetchouaun, hésitant à troquer la campagne pour la ville.

Dès son entrée a l'UCC, en 1949, il est affecté à la comptabilité agricole et à l'impôt sur le revenu des agriculteurs. Par la suite et assez rapidement, il touche à plusieurs domaines comme aide ou premier responsable : expertise agricole, vérification de coopératives, intervention dans les chantiers coopératifs, direction d'une équipe de représentants en assurance-vie et générales, médiation, responsable d'une émission radiophonique, membre de comités provinciaux, directeur général du Centre Social Rural Inc., et de la Caisse d'établissement du Saguenay, trésorier de la Fédération régionale et assistant au secrétariat. Le cumul des tâches et responsabilités était une nécessité dans les débuts.

On est en 1968, deux décennies prennent fin au cours desquelles il occupe d'autres fonctions, entre autres, membre de l'exécutif de la Mutuelle SSQ, Québec, à titre de trésorier, et directeur général d'un chantier coopératif pendant six mois, le temps de refaire un financement. Le principal champ d'opérations de ce chantier était à 100 milles de Chicoutimi.

Il faut bien le dire, les premières années constituent une période parsemée de situations exigeantes; elles ne peuvent être envisagées sans convictions profondes. Une seule phrase qualifie de genre de besogne : « c'est un travail de pionnier ». On est à l'origine de l'Union des producteurs agricoles (UPA) d'aujourd'hui. Un véritable défi partagé par une petite équipe. L'organisation professionnelle agricole en était alors à ses balbutiements.

Fondation de la Caisse d'établissement du Saguenay

La Fédération de l'UCC du Saguenay, en collaboration avec d'autres organismes professionnels agricoles, a fondé en 1953 la Caisse d'Établissement du Saguenay; Paul-Émile est parmi les membres fondateurs. Il est élu au conseil de surveillance, poste qu'il échange deux ans plus tard avec un commissaire de crédit. A partir de 1958, en plus de son poste à l'UCC, il occupe la direction générale de la Caisse d'Établissement, dont la croissance, avec les années, exigera de plus en plus de son temps. Cette situation prendra fin officieusement en 1968 et officiellement en 1970.

Il devient alors directeur général de la Caisse d'établissement à plein temps.

En 1969, il est élu au conseil d'administration de la Fédération des Caisses d'établissement et en 1972, il en devient le président. Au cours de cette même année, il est nommé au conseil d'administration d'une compagnie mutuelle d'assurance à Montréal. En 1979, il quitte son poste à la Fédération des Caisses d'Établissement.

La Caisse d'établissement du Saguenay-Lac-Saint-Jean est une entreprise (1984) dont l'actif excède $50 millions, les revenus, $2 millions annuellement, qui a une réserve générale et une capitalisation importantes et des effectifs dépassant la centaine de personnes. Elle est en bonne santé, connaît un développement intéressant et harmonieux, a une excellente rentabilité et garantit à ses 20 000 membres les services et la sécurité qu'ils recherchent.

Sa mission sociale et économique est importante dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, alors qu'il y a toujours des jeunes qui ont besoin d'assistance financière pour réaliser leurs projets. Elle sera tout de même vendue quelques années plus tard à un compétiteur et son avoir propre ( financier) sera réparti entre les détenteurs du capital social qui le verront multiplié par neuf. Un bon investissement social et financier qui disparaît!

Voir, juger, agir

Sa formation fut pour lui une préoccupation constante et permanente. La curiosité intellectuelle, le goût de comprendre, d'apprendre, et de savoir, c'est lui. Mais c'est aussi un homme d'action. Le « voir, juger et agir » des mouvements de jeunesse de son temps était son leitmotiv.

Pendant quelques décennies, il ne cessera d'étudier en s'inscrivant à des cours d'extension qui correspondent aux tâches du moment auprès d'universités et de cégeps. Il lui arrive fréquemment de se procurer les livres du maître et d'apprendre seul les matières. Il participe à de nombreuses sessions intensives et à des missions économiques à l'étranger.

Camp de chasse sur les monts Valin

Les journaux d'envergure nationale entrent régulièrement dans la maison : Le Devoir (depuis qu'il a 25 ans!), La Presse, Le Soleil, Le Progrès du Saguenay, Le Quotidien et plusieurs revues françaises et québécoises. Ses besoins et ou ses passions du moment inspirent l'achat de ses volumes, dont la bibliothèque contient plusieurs centaines de titres.

Ses loisirs : principalement la lecture tout au long de sa vie, et comme sport, le golf et le ski, un peu de pêche et un tout petit peu de chasse. L'été, la famille vit à Métabetchouan sur les bords du lac Saint-Jean, dans un chalet qu'il a construit lui-même avec l'aide d'amis et de proches à l'occasion de corvées.

En 1970 il est admis à la Corporation des Évaluateurs agréés du Québec. Automne 1981, inscription en maîtrise à la Faculté des Arts, option coopération, Université de Sherbrooke, reprise du travail en septembre 1982, admis à la Corporation des Administrateurs Agréés du Québec en 1984 il amorce finalement sa retraite en mai 1986. Il conserve un lien avec l'entreprise jusqu'en décembre 1987.

Paul-Émile Doré dans ce bureau de Chicoutimi qui était le centre nerveux de ses travaux de généalogie.

Bénévolat et retraite

Sa vie sera marquée aussi par du bénévolat, seul et en compagnie de son épouse, auprès de plusieurs organismes de la région : le Camp musical du Lac-Saint-Jean, la Fondation Roland-Saucier, la Société généalogique du Saguenay, l'Association des familles Doré et les associations de parents en général.

Paul-Émile fonde l'Association des parents des étudiants du cégep, et une caisse populaire de quartier à Saint-Isidore. Il siège sur un comité de sélection de juges, au conseil d'administration du Collège régional et comme échevin de la Ville de Rivière-du-Moulin.

Marthe, de son coté, s'occupe des œuvres de la paroisse, fonde un centre d'information et de référence pour personnes handicapées, siège au conseil des marguilliers de Saint-Isidore, est sollicitée par l'AFÉAS pour ses interventions, anime des groupes de rencontre, reçoit des demandes d'aide de personnes démunies et fait des démarches pour les satisfaire. Elle s'inscrit à l'Université du troisième Âge. Elle est toujours là pour le bonheur des enfants. Son sport favori est la bicyclette.

Alors qu'il est à la retraite, en 1988 et 1989, Paul-Émile Doré s'inscrit en maîtrise à l'Université du Québec à Chicoutimi (PMO). Il est intéressé par des cours en méthodologie de la recherche. À l'UQAC et au Cégep de Jonquière, il prend des cours en informatique. C'est à partir de ce moment qu'il s'intéresse pour de bon à l'histoire et à la généalogie, un passe-temps qu'il avait mis de coté au cours de la décennie 1950; il en a presque fait une autre carrière.

Un très grand intérêt pour la généalogie

L'intérêt de Paul-Émile Doré pour la généalogie et l'histoire remonte à son jeune âge. Dans sa famille, on parlait beaucoup des anciens. Il arrivait que ces propos relevaient plus de la légende que de la réalité. C'était captivant quand même : dans une légende, il y a toujours un brin de vérité. Le père de Paul-Émile est de la première génération née au Lac-Saint-Jean, les grands-parents sont originaires de Saint-Urbain, et si on remonte dans la lignée, la souche est de Saint-Augustin-de-Desmaures, près de Québec. La famille de sa mère a quitté pendant un certain temps la Vallée du Saint-Laurent pour l'Ontario et l'État de New York.

Paul-Émile Doré a été membre de plusieurs sociétés généalogiques et d'histoire : la Société d'histoire et de généalogie franco-ontarienne, la Société généalogique canadienne-française de Montréal, la Société généalogique de Québec, la Société historique du Saguenay,le Centre de généalogie francophone de l'Amérique et la Société généalogique du Saguenay. Il a été administrateur de cette dernière pendant une dizaine d'années à titre de trésorier et de vice-président.

Ce travail, Paul-Émile l'a dédié à son épouse, Marthe Gagnon, décédée en décembre 1999, avec qui il a partagé 50 années de bonheur et de grandes joies. Les souvenirs merveilleux sont restés présents jusqu'à son propre décès, et il aimait se les remémorer pour les revivre avec ses enfants, par exemple.

Marthe était membre de l'Association des familles Gagnon et recevait la revue La Gagnonnière. Son intérêt pour la généalogie, sa présence aux rencontres et aux activités de l'Association des familles Doré, en ont fait une collaboratrice de premier plan.

À titre de président-fondateur de l'Association des familles Doré, Paul-Émile a voulu aussi aussi rendre hommage aux premiers adhérents et aux membres du premier conseil dont la photo apparaît sur le site. Il ne peut conclure ce texte sans en nommer quelques-uns : Antonio Doré de Montréal; Jean-Claude Doré de Sainte-Agathe-des-Monts; Réjean Doré de Saint-Augustin-de-Desmaures; André Dorais de Montréal; Bernard-H. Doray de Montréal; Roland Doré de Les Écureuils; Gemma Doré-Villeneuve de Pont-Rouge; Paul Doré de Québec; Roch Doré de Belœil; Jean-Gagnon-Doré de Montréal; Blair Doré de Nanaimo (Colombie-Britannique) et l'abbé Bernard Doré de Roberval.

Ce texte a été écrit pour la plus grande partie par Paul-Émile Doré; on peut donc considérer qu'il est largement autobiographique. Il a été révisé et adapté par Marc Doré, son fils. Remises à jour: novembre 2011; janvier 2018.

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