Nicolas Peltier, coureur de bois

Nicolas Peltier (dit Marolles, dit Collin) est né le 2 mai 1649, à Sillery, près de Québec. Il est le dernier enfant - le huitième - de Nicolas Peltier et Jeanne Roussy (on voit aussi “de Voisy” comme matronyme). Nicolas père était un maître charpentier qu'on verra à l'oeuvre dans la construction de plusieurs bâtiments de la petite colonie française naissante. Il est originaire de la paroisse de Saint-Pierre-et-Saint-Paul-Gallardon, dans l'ancienne région française de la Beauce, près de la ville de Chartres.

par Marc Doré

Le couple Roussy-Peltier avait déjà deux garçons de 2 et 4 ans quand il est arrivé à Québec, en 1636 ; six autres enfants naîtront en Nouvelle-France. Sillery, où la famille a pris demeure et où les Jésuites ont installé la Mission Saint-Joseph en 1637, devient à cette époque une « réduction », un établissement supervisé par les autorités civiles et religieuses où s'installent des Indiens chassés de leurs contrées par les guerres iroquoises et les maladies amenées par les Européens avec qui ils ont été en contact depuis le XVIe siècle ; l’objectif des Jésuites est de sédentariser les Sauvages, comme on les appelait alors, pour assurer leur œuvre d'évangélisation.

À Québec, une plaque rend hommage à Nicolas Peltier père et à Jeanne de Voizy

S'y retrouveront bientôt des Montagnais, mais aussi des Algonquins,  des Malécites, des  Micmacs, des Abénaquis... et même les reliquats du peuple des Hurons, avant qu'ils ne soient dirigés vers l'Ancienne-Lorette.

Les Roussy-Peltier ont acquis une certaine notoriété dans la petite colonie incertaine du milieu des années 1600 ; « dans l'écume du commerce de l'eau de vie et des fourrures, on y faisait de bonnes affaires en famille, malgré tous les interdits royaux », comme l'écrit l'historienne Russel Bouchard dans son livre Naissance d'une nouvelle humanité au cœur du Québec (p. 150)

 

Le fils Nicolas naît en 1649, dernier de la fratrie de huit enfants. Élevé parmi les Indiens de Sillery, il deviendra un véritable coureur de bois, « un Français devenu Sauvage » comme l'écrira plus tard un ecclésiastique.  Avec trois compagnons, il obtient à l'automne 1672 un congé de traite signé de la main du gouverneur Frontenac, un permis en fait pour aller faire la traite des fourrures au Saguenay ; il est aussi autorisé à hiverner « au Lac Saint-Jean dit Pakouagamy ». Nicolas Peltier fera plusieurs séjours dans le Domaine du Roy au cours des années suivantes, et s’établit finalement à 183 milles au nord du lac Saint-Jean, près du lac Nicabau. Une carte de l’arpenteur J.L. Normandin tracée en 1732 indique la présence de “l’établissement de Mr Peltier, 1680”; ainsi que le poste du Roy, l’établissement français de 1690. Peltier passera toute sa vie adulte dans cette région, une cinquantaine d'années, à commercer avec les autochtones, entre  Tadoussac et la Côte Nord, Chicoutimi et Métabetchouan, et son établissement nordique, sur la route menant à la baie d’Hudson. Il est considéré comme le premier Blanc à y habiter de façon permanente ; il est aussi le fondateur du premier clan métis en Nouvelle-France.

Outre ses gènes, Nicolas Peltier a laissé des traces au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Près de 300 ans plus tard, son nom est associé avec un lieu géographique connu, l’Anse-à-Peltier, sur la rive nord du Saguenay, où il vécut semble-t-il quelques années. Ce lieu fréquenté depuis longtemps par les Indiens, avant Peltier, est situé aux limites de Saint-Fulgence, là où le Saguenay tourne abruptement vers le sud et la baie des Ha! Ha!

 

La chapelle de Chicoutimi, au Coteau du Portage

La rivière Chicoutimi au pied du barrage du lac Kénogami. C'est par cette route fluviale que se faisait la traite des fourrures vers le lac Saint-Jean et plus au nord encore.

Selon Russel Bouchard, les restes de Peltier, qui était enterré depuis son décès, le 12 février 1729, dans le cimetière du vieux poste de traite de Chicoutimi avec ceux des Indiens morts près de la mission catholique, ont été transférés en octobre 1879 dans une fosse commune du cimetière Saint-François-Xavier.

Une plaque commémorative inaugurée le 24 juin 1937 à l’initiative de la Société historique du Saguenay et de la Société Saint-Jean-Baptiste au lieu dit du “ Coteau du Portage “, dans les environs du poste de traite. Pendant 200 ans, ce lieu fut le passage obligé des missionnaires, coureurs de bois, marchands, fonctionnaires coloniaux qui se rendaient au lac Saint-Jean, et plus au nord jusqu’à la mer du Nord, la baie d’Hudson. La plaque porte les noms des plus connus de ces visiteurs, dont celui de Nicolas Peltier parmi plusieurs personnages connus de l’histoire de la Nouvelle-France et du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

 

La plaque historique du Coteau du Portage, avec le nom de Nicolas Peltier parmi des personnages importants de l'histoire de la Nouvelle-France.

LE DOMAINE DU ROY

Le Domaine du Roy est un immense territoire qui s'étendait au nord de l'estuaire du Saint-Laurent, entre La Malbaie et Sept-Îles en remontant vers le nord par le Saguenay, le lac Saint-Jean et ses affluents jusqu'au lac Mistassini et à la ligne de partage des eaux vers la baie James. Le roi de France se l’était réservé, et son accès était interdit aux colons qui venaient s’établir en Nouvelle-France. C'était le pays des Montagnais et, plus au nord, des Cris. On y rencontre aussi, au fur et à mesure du développement des épidémies, des guerres iroquoises et de l'éclatement de la culture et du mode de vie autochtones, des Algonquins, des Hurons, des Malécites, des Abénakis, des Micmacs. Durant la première moitié du XVIIe siècle, c'est à Tadoussac que se fait l'essentiel du commerce des fourrures ; mais l'évolution de la traite et la rarification de la ressource amènent  l'ouverture de postes de traite d'abord à Chicoutimi, puis à Métabetchouan, et ensuite à Nicouba, près du lac Ashuapmushuan et de la rivière du même nom dans laquelle il se déverse. Cette route fluviale reliait Tadoussac à la baie James; bien connue des populations autochtones, elle fut utilisée par les coureurs de bois jusqu'au XIXe siècle.

LE PREMIER CLAN MÉTIS

Pour son premier hiver dans le Domaine du Roy, Nicolas Peltier s'installe à l’automne 1672 sur la Belle-Rivière, à la fin de la route fluviale menant de Chicoutimi au lac Saint-Jean par la rivière Chicoutimi et le lac Kénogami, puis par le lac Kénogamichiche et la Belle-Rivière, qui se jette dans le lac Saint-Jean. Il s'y mettra en couple rapidement, « à la mode du pays », avec une Montagnaise rencontrée sur place, Madeleine Tego8chik ; le missionnaire bénira leur union au début de l’été suivant, le 22 juin 1673. Le couple aura une fille, Marie-Jeanne, née en 1674 et baptisée le 4 janvier 1675, qui sera élevée à Sorel, à l'embouchure de la rivière Richelieu où réside la mère de Marolles à l'époque. Au moment de son mariage religieux, Nicolas Peltier s'était en effet engagé à élever ses enfants « dans les mœurs et la langue française ».

Madeleine Teg8chik est la fille de Charles Tekouerimat, choisi grand chef de Sillery en 1669 qui déménagea ensuite à Chicoutimi en 1672 (sans doute en même temps que Nicolas Peltier, son futur gendre) ; il n'exerça son influence sur la communauté autochtone de Tadoussac et la traite des fourrures que durant quelques années, puisqu'il mourut en 1675.

Marie-Jeanne semble être la seule enfant de Nicolas et Madeleine ; cette dernière en effet mourut subitement durant l'hiver 1677 et fut inhumée chrétiennement au Lac-Saint-Jean par le missionnaire visiteur.

Nicolas Peltier se remaria deux mois plus tard à la mission de Métabetchouan, avec Françoise 8ebechinok8e, une Algonquine. De leur union naîtront au moins 6 enfants ; certains historiens-chercheurs parlent de 8 et même 10. Pour nos besoins, parmi ces enfants retenons les noms de Charles dit « le Vieux », qui prendra éventuellement la suite des affaires de son père ; d'une autre Marie-Jeanne (deuxième du nom) née en décembre 1687 et décédée à Québec le 9 janvier 1702, à 15 ans, ce qui semble l'exclure de la chaîne des naissances ; et de Marie-Josèphe (Marie-Josephte) baptisée à la chapelle de Chicoutimi en 1698.

Le peintre Cornelius Krieghoff a illustré le trajet des Indiens et coureurs de bois vers le lac Saint-Jean.

La chapelle de Tadoussac fait partie du paysage de la côte du Saint-Laurent depuis plus de 400 ans.