Thomas Holland l’Irlandais

Thomas Holland est le grand-père paternel de Blanche Lizotte dite Lisette. Il serait né vers 1801, en Irlande. Il est catholique. Il est originaire du comté de Longford, un des derniers bastions de la résistance armée aux forces militaires anglaises.

On ignore exactement quand il est arrivé au Canada, mais on trouve sa trace dans le recensement du Canada-Uni de 1851. Il a alors 51 ans et  il est fermier à Roxborough, Stormont County, Canada-Ouest (Ontario).

Vivent avec lui : Ann Holland, 29 ans, née en Irlande, ainsi que leurs enfants nés au Canada et énumérés en ordre chronologique : James, 14 ans; William 12 ans; Mary 10 ans; Thomas 8 ans; Ellen 5 ans; Margaret 4 ans; Agnes 2 ans; Ann 6 (ans? mois? La question se pose parce qu'elle est la dernière de la liste du recensement.)

Par MARC DORÉ

La famille est membre de la « Church of Rome », catholique donc. Un détail : tous leurs voisins qui se retrouvent sur la même page du recensement de 1851, sont des protestants, irlandais ou écossais.

Elizabeth-Jane Holland, qui épousera en 1872 Maxime-Léon Lizotte, est née le 8 juillet 1853  et a été baptisée le 17 mars 1854. Dans le registre de la paroisse, le nom de sa mère est Nancy McLauchlan (une autre forme de McLaughlin). Elle est décédée en 1934.

Il y a une bizarrerie à propos de l'acte de décès d'Ann McLaughlin : il semble y avoir deux actes légèrement différents l'un de l'autre pour la femme de Thomas Holland :

- le premier acte est celui d'Ann McLaughlin, décédée le 26 février 1895. Elle a « environ » 80 ans; c'est une « farmer's wife » née dans le comté de Longford, Ireland, et qui serait décédée « of infirmities of old age ». Le médecin qui a signé l'acte de décès se nomme J.A. McNaughton. La date d'enregistrement est le 28 février. La personne qui a fourni les informations sur la décédée est le révérend M.J. Leaky, Moosecreek, Ontario.

CARTE DU COMTÉ DE LONGFORD

- Le second acte est au nom de Ann Holland, décédée le 26 février 1895 « of old age general debility ». Le médecin est le même (J.A. McNaughton), mais c'est le fils d'Ann, James Holland, qui déclare le décès, à Roxborough. Et il déclare qu'elle a 82 ans.

Le premier acte de décès daté du 26 février 1895 lui donne 80 ans; elle serait donc née en 1815. Toutefois, si l'âge donné par son fils est le bon, elle serait née en 1813. Elle aurait donc eu 12 ans de différence avec son mari Thomas Holland, né en 1801. Mais si on se fie au recensement de 1851, elle serait plutôt née en 1822. Difficile de se démêler là-dedans... Et d'autant plus, si on se fie au recensement toujours, qu'elle n'a que 15 ans de différence avec son fils aîné.

La fin du 18e siècle est marquée en Irlande par des luttes armées largement inspirées par la révolution américaine et la révolution française. Une éphémère république d'Irlande est proclamée par une faction armée appuyée par des soldats français (1798-1800). Mais le mouvement est durement réprimé par l'armée britannique. Le Parlement anglais proclame l'Acte d'Union qui rattache complètement l'Irlande au Royaume-Uni. C'est au cours de la répression qui s'ensuivit et de la détérioration concomitante de l'économie rurale irlandaise que des vagues d'immigrants, catholiques et protestants, partirent pour le Canada. Au cours des décennies 1820, 1830 ils furent nombreux à s'installer au Québec, dans les grandes villes de Montréal et Québec, mais aussi dans les campagnes des Laurentides, des Cantons de l'Est et des Bois-francs. Cette première vague d'immigrants irlandais diffère beaucoup de celle qui suit la famine du milieu des années 1840. Les immigrants étaient surtout de petits fermiers dont la propriété était menacée par les grands propriétaires terriens anglais, et ils n’étaient pas victimes en arrivant de maladies mortelles comme ceux qui sont arrivés durant la période 1845-49 et pour lesquels le gouvernement créa l’institution de quarantaine de Grosse-Île, près de Québec.

Elizabeth Jane Holland, fille de Thomas et femme de Maxime-Léon Lizotte

Thomas Holland était du nombre des immigrants de la première vague, tout comme sa future femme Nancy Ann McLaughlin ; on peut croire qu’ils se connaissaient et qu’ils sont arrivés sur le même navire.

On aurait pu s'attendre à ce que les Irlandais catholiques dont la langue était asservie par l'envahisseur anglais depuis plusieurs siècles, sympathisent avec les Canadiens-français dont la situation avait beaucoup de ressemblance avec la leur. Mais ce ne fut pas le cas, semble-t-il.

Les deux groupes se battaient, parfois littéralement, pour les mêmes portions du marché du travail : le travail du bois y compris la coupe des arbres et leur transport vers les scieries, la construction navale, le travail sur les docks. Ces affrontements étaient particulièrement violents dans la région de l’Outaouais, autour de Bytown, la ville que nous connaissons maintenant sous le nom d’Ottawa.

L’Église catholique aurait pu jouer un rôle dans le rapprochement des deux communautés qui partageaient la même religion.  Mais la hiérarchie catholique mis plutôt son énergie à garder étanche les sphères respectives de chaque groupe, avec comme conséquence qu’ils n’eurent que peu de contacts entre eux. En particulier, on trouve peu de mariages entre Irlandais et Canadiens-français. Le cas de l’alliance des Lizotte et des Holland, dans l’Est ontarien, dont sont issus les Doré de Couchepagane, serait donc plutôt exceptionnel.

Signalons quand même un cas connu, et célèbre, d’union entre un Irlandais et une Canadienne-française. Émilie-Amanda Hudon, née en 1856 à Kamouraska, a épousé à Rimouski le 15 juin 1875 David Nelligan, né à Dublin en 1848 et arrivé au Canada en 1855 ou 1856 quand ses grands-parents paternels, Patrick Nelligan et Catherine Flynn, se sont installés à Montréal avec toute leur famille. Ce serait en faisant son métier d’inspecteur des Postes en Gaspésie que David rencontra Émilie. La dualité linguistique hérité de ses parents fut un fardeau insoutenable pour Émile, qui choisit sa mère contre son père. C’est ce dernier qui le fit interner à l’asile, le 9 août 1899. Schizophrène, le poète a vécu à l’asile Saint-Jean-de-Dieu jusqu’à sa mort, le 18 novembre 1941. L’écrivain Michel Tremblay, qui écrivit le livret de l’opéra Nelligan d’André Gagnon, insiste sur l’impossibilité de fusionner les cultures anglaise et française dans « une famille normale ».

 

Pour en savoir plus

Des chemins divergents : les Irlandais et les Canadiens français au XIXe siècle, Aidan McQuillan, département de géographie, Université de Toronto, 1999

Paul Wyczynski, Émile Nelligan, Fides, Ottawa, 1967, 192 p.

Wikipedia, Nelligan