Quirille Doré, l’institutrice

" Voici une photo de ma grand-tante Quérille (Quirille) Doré, sœur de mon grand-père. Elle est née à Saint-Urbain le 29.09.1856 et décédée à Saint-Jérôme de Métabetchouan le 22.10.1946. Elle a été la première institutrice de Saint-François-de-Sales. Elle a enseigné aussi à Couchepagane, probablement à Mgr Victor (NDLR : Mgr Victor Tremblay, dont la famille habitait dans le rang Sainte-Anne comme la famille d’Éloi Doré et Marie-Laure Villeneuve), et à mon père (Héraclius Doré). Ma tante Clorinthe (NDLR : sœur de mon père et future épouse d’Almas Thibeault – voir autre texte ) et ma sœur Lucie Doré ont enseigné à cette école de rang. J’aimais bien ma tante Quérille. Elle ne s’est jamais mariée. Une légende voudrait qu’elle ait abandonné un amoureux en quittant Saint-Urbain avec toute sa famille – elle avait une vingtaine d’années. L’oncle Phydime, pour la même raison, ne se serait pas rendu au Lac-Saint-Jean, et aurait préféré quitter son pays…" Cette note est tirée d’un texte de Paul-Émile Doré sur les familles Thibeault et Doré publié ailleurs sur ce site.

Par Paul-Émile Doré

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"Melle Marie Quirille Doré, 80 ans, Métabetchouan"

  • « J’ai commencé à faire la classe je n’avais pas encore de diplôme, j’avais environ 35 ans. J’ai fait la classe pour la première fois à Saint-François de Sales, dans le neuvième rang, à l’endroit où se trouve aujourd’hui le village. L’église actuelle fut bâtie près de la classe. Je fus la première maitresse de cette école. Il y avait une autre école dans le sixième rang. Cette école est plus ancienne que celle du neuf.
  • « J’avais environ 45 enfants, des Turgeon, des Gagnon, des Fortier. Je demeurais toujours à mon école. La maitresse qui m’a remplacée est une demoiselle Dumais. L’Inspecteur alors en fonction était l’inspecteur Savard.
  • « Il n’y avait pas d’église à St-François. Nous avions la mission. C’est M. le Curé Girard de Chambord qui venait. C’est à l’école que se tenait le missionnaire. Il disait la messe sur un autel dressé par les gens et orné de feuillage et de draperies, le tout bien pauvre, mais nous le trouvions beau.

Quirille Doré, dans sa classe de l'école rurale où elle a passé plusieurs années de sa vie. Étant donné son âge apparent, il s'agit peut-être de l'école du rang Saint-Anne où elle a enseigné aux enfants de son frère Éloi II Doré.

  • « Mgr. Bégin y vint même. Il se rendait au Lac Bouchette. Pendant sa visite il ne confirma pas les enfants à mon école. Un homme du nom de Louis Turgeon demanda à Mgr. de chasser les mouches qui incommodaient fort les gens. Mgr. répondit que tous ceux qui ne « sacreraient » point ou plus ne seraient point incommodés. C’est moi qui répondais à la messe : je me tenais près de la table de communion que les gens avaient faite.
  • « J’ai fait la classe à Chambord ensuite dans la classe dite modèle. J’avais alors 60 enfants. J’enseignais à tous les jeunes jusqu’à douze ans. Celle qui faisait la classe modèle était Melle Marie Boulianne. Elle avait à peu près 50 enfants. C’est pendant cette année que j’ai préparé mon diplôme. Je suis venue ensuite à Chicoutimi au Bon Pasteur pour subir l’examen.
  • « Tout ce que je sais de Fortin, dit « Le Broc », c’est que pendant la nuit le démon venait et lui criait « Jacquot viens-tu », et alors Fortin se levait, ne pouvant résister, et allait se battre, il prenait un « broc » (fourche) et allait se battre. Où allait-il ? Je n’en sais rien. Il revenait fourbu. »

Notes prises en juillet 1936, par Thomas Louis Doré, ecclésiastique. Ce texte a été publié dans la série Mémoire de Vieillards dirigée par Victor Tremblay de la Société historique du Saguenay sous le numéro Mémoires No. 157

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À propos du prénom : Quirille ou Quérille?

Quérille Doré avait reçu au baptême le prénom de sa grand-mère paternelle, Quirille Thibeault, épouse d’Éloi Doré I. Selon Bernard Doré, "le prénom Quirille est une déformation du prénom Thierry reçu à son baptême le 25 juillet 1786 à Baie-Saint-Paul". Ceci me semble plutôt surprenant, et voici pourquoi. D'abord, Thierry est un prénom masculin alors que Quirille est bel et bien un prénom féminin, peu répandu, on en convient, mais quand même présent dans les vieux prénoms chez certaines familles, dont les Doré et les Thibeault. D'autre part, quand on jette un coup d'oeil au registre des naissances de Baie-Saint-Paul à la date du 25 juillet 1786, on voit qu'il y a eu deux baptêmes ce jour-là, décrits comme suit : "... a été baptisée Thierry née... du légitime mariage de Thierry Grenon et Thérode Guay..." pour le premier ; et " a été baptisé Thierry né... du mariage légitime d'Amiable (stet) Thibeault et Rosalie Tremblé (stet)..." pour le second. Une fille et un garçon prénommés tous les deux Thierry ! Erreur d'enregistrement par le curé ? En tout cas, il n'y a pas de Quirille Thibeault ce jour-là, ni autour.  Par ailleurs, dans son texte de 1936 (ci-haut) l’abbé Thomas-Louis Doré écrit « Quirille », tandis que Paul-Émile Doré écrira « Quérille » dans les années 2000, ce qui semble correspondre à son souvenir de sa grand-tante. Tous deux ont connu personnellement Quérille, respectivement leur tante et grand-tante.
Le prénom Quirille est la forme slave du prénom Cyril (en russe : Кири́лл / Kiríll), lui-même provenant du grec Kyrillos. C’est un prénom masculin qui rend hommage aux moines évangélisateurs grecs Cyril et Méthode chez les Slaves païens. L’alphabet russe, le cyrillique, a été mis au point par ces deux prêtres. Parfois écrit Cyrille, le prénom a aussi été attribué à des filles. Au Québec, c’est la forme Quirille qui a servi à nommer quelques filles, dans la région de Charlevoix entre autres.

Par Marc Doré, avril 2018-juin 2023

Une icône de Cyril et Méthode, les moines grecs qui ont créé l'alphabet dit "cyrillique", encore en usage aujourd'hui en Russie et quelques autres pays slaves.