1916: John Lizette s’en va-t’en-guerre!

Au début de l’année 1916, John Joseph Lizette, fils aîné d’une famille franco-irlandaise éclatée, demeure depuis dix ans chez ses grands-parents paternels Maxime Lizotte et Elizabeth Holland à Massena, New York. Il a 21 ans, c’est un ouvrier spécialisé et il a vécu toute sa vie d’adolescent et de jeune adulte aux Etats-Unis. Officiellement, les Etats-Unis n’entreront pas en guerre contre l’Allemagne avant 1917. C’est donc au Canada que John Lizette devra s’inscrire pour aller combattre.

par Marc Doré

À l’été 1916, il s’engage dans le Corps expéditionnaire canadien pour aller combattre sur le front en Europe. Sa mère Cécile Gagnon et ses deux sœurs Blanche, 14 ans, et Lilly, 12 ans, sont à Montréal depuis peu. Elles demeurent sans doute au 6, rue Osborne, tout près de la gare Windsor où s’arrête le train qui les a amenées à Montréal depuis Cornwall, Ontario d’où elles viennent. À moins qu’elles soient rendus place Jacques-Cartier où elles résideront aussi à un moment donné.

John Joseph Lizette, vers 6 ans

John Joseph Lizette, vers 6 ans

Blanche se rappelle : « Nous sommes allées le reconduire au train qui l’amènera vers Halifax » pour la traversée vers l’Angleterre. C’est la fin de l’été 1916, peut-être septembre ; la guerre dure depuis maintenant deux ans, et c’est une sale guerre.

La carte d’embarquement du soldat John Lizette est datée du 26 septembre, sur le navire Laconia en partance de Halifax pour l’Angleterre. Il arrive à Liverpool, Angleterre, le 6 octobre. Le 24 février 1917, il est en France, à Boulogne-sur-Mer. Il passera son service militaire dans les tranchées du nord de la France. Il sera blessé au moins une fois, et souffrira de la fièvre des tranchées, de bronchites et de l’influenza. Engagé comme simple soldat, il terminera la guerre comme caporal.

Quelques mots sur cette « fièvre des tranchées ». Également appelée fièvre de Wolhynie ou fièvre quintane, c’est une maladie infectieuse causée par la bactérie Bartonella quintana transmise par les Pediculus humanus humanus (ou pou de corps). Comme son nom l’indique, elle a touché beaucoup de soldats de la Première Guerre mondiale, soumis à des conditions d’hygiène déplorables dans les tranchées froides et humides du nord de la France.

« Rats, poux et épuisement » : c’est ainsi qu’on résume au Musée de la guerre du Canada les conditions de vie dans les tranchées de la Première Guerre. (Cliquez sur le lien coloré pour lire l'article)

La guerre prend fin le 11 novembre 1918, mais John Lizette ne sera démobilisé que le 19 août 1919, à Québec. Lui, le fils aîné, quand il a quitté sa mère Cécile en 1916 ignorait évidemment que c’était la dernière fois qu’il la voyait, qu’il l’embrassait. Quand elle décède en avril 1919, à l’Hôtel-Dieu de Chicoutimi, John, encore outremer, est le seul de ses enfants qui n’assistera pas à ses funérailles.

Mais il garde un lien solide avec elle : durant toute la durée de son service militaire, une partie de la solde de John sera versée directement à sa mère Cécile. Dans un document daté du 4 août 1916, John Lizette indique qu’il donnait, avant de s’engager dans l’armée, un montant de 15$ par mois à sa mère, malade et séparée, pour la faire vivre elle et ses deux fillettes. Le même montant sera versé par l’armée à sa mère du mois d’octobre 1916 au mois de mai 1919.

Quand il sera démobilisé à Québec, John donnera comme son adresse le 38, Centre Street, Massena, N.Y., qui semble être l’adresse d’une personne nommée E. Lizette, sans doute sa grand-mère Elizabeth Holland Lizette, veuve depuis 1915 de Maxime Lizotte. Notons aussi qu’au moment de traverser la frontière américaine vers Massena, le lendemain de son arrivée à Québec, John est accompagné de son épouse anglaise qu’il amène en Amérique.

Quelques détails supplémentaires sur John Joseph Lizette, colligés dans son dossier militaire. Ainsi, on apprend, en date du 23 février 1916, que l’adresse de son père John  Maxime Lizette est le 735, Toronto Street, Winnipeg. Les parents de John Fils sont séparés depuis 1907 ou 1908. Tandis que Cécile Gagnon Lizette et ses filles vivront à Cornwall, puis Montréal avant de migrer vers le Saguenay-Lac-Saint-Jean, John Maxime Lizette vivra à Massena, NY, puis au Minnesota et finalement à Winnipeg où il mourra en 1931. Éventuellement John Lizette, le fils, ira s’établir à Winnipeg, ainsi que son frère Hubert. Il est décédé en 1971; Hubert en 1988; Blanche en 2002.

 

Deux affiches de recrutement à Montréal durant le Première Guerre

La pierre tombale de Maxime John Lizette dans un cimetière de Winnipeg. Hubert, l'autre fils Lizette, y est enterré aussi, de même que Mary Fletcher, la seconde épouse d'Hubert.